vendredi 30 octobre 2009

Une fable d'ORGANISATION #2

Suite d'un précédent billet :
http://biens-communs.blogspot.com/2009/10/une-fable-dorganisation-1.html

Episode 2 :
Où on apprend que Captain Kirk est un sacré loup de mer.

Captain Kirk naviguait à vue voguant sur les flots en direction d'un autre bout de l'océan. Il souquait dur pour aller vite, pour être le plus rapide. Il voulait atteindre en tête son port de destination ; devant les autres, devant tous les autres qui entreprenaient la même traversée ; il était presque plus obsédé d'obtenir cette première place que d'arriver quelque part. Seul maître à bord après Dieu, il s'était adjoint une poignée d'officiers pour maintenir le cap lorsque parfois il se reposait, et surtout, pour mener les hommes d'équipages, nombreux, et qui servaient à faire avancer le bateau. On enchaînait les hommes à leur poste de travail pour qu'ils rament sans relâche et en cadence. Un open space sur trois étages de cale subtilement aménagé où se jouait, dans la quasi pénombre, une chorégraphie mécanique presque parfaite, réglée à coups de fouet, d'intransigeances et d'efforts. Au long cours l'équipage ne voyait ni le jour, ni la nuit, ni la mer, ni le soleil, ils ramaient. Régulièrement Captain Kirk remportait la régate et c'était pour lui un immense honneur. Mais parfois il ne gagnait pas, et voulait alors absolument comprendre les raisons de ces déconvenues. On pouvait alors débarquer des hommes qu'on trouvait usés, en recruter d'autres plus vigoureux, on jouait aussi sur la méthode de gestion du personnel, plus de fouet, moins de fouet, plus ou moins à boire, des rations plus ou moins importantes. Une fois ces petits réglages effectués, les vents devenaient plus favorables et Captain Kirk aimait à savourer à nouveau le sentiment pieux d'être le meilleur.

Mais il est arrivé à Captain Kirk, comme à d'autres de perdre tout le temps, à tous les coups, d'avoir perdu avant même de partir, de ne plus jamais gagner, distancé par la concurrence. Il ne restait plus alors qu'à implorer une intervention divine. Mais une telle incursion dans les affaires d'ici-bas restait rare et plutôt exceptionnelle, réservée aux âmes pures plus qu'aux âmes corrompues des hommes qui allaient sur la mer. Victime de la malédiction du ciel, et Dieu ne frappait jamais au hasard, le marin malheureux, le marin coupable ainsi débusqué n'avait plus qu'à s'amender jusqu'à la fin de ses jours, dans un couvent pour les cas les moins graves et, pour les péchés impardonnables à se donner la mort. Captain Kirk ne réagit pas ainsi, et à force de courage et d'abnégation il parvint à dépasser cet écueil surgi au travers de sa route. L'infortune l'avait durement frappé, mais finalement il avait réussi à se relever d'une débâcle sans précédent qui avait anéanti une bonne part de la flotte engagée dans la partie. Captain Kirk venait de vivre une véritable révolution, une transformation sans limite des principes de navigation, un saut brutal dans la modernité qui toutefois ne remettait nullement en cause les règles de la course hauturière.

A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.

Lire la suite l'épisode 3 : Où on apprend que la téléportation n'affranchit ni de l'acier, ni du gaz oil, ni des radars.

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