vendredi 30 octobre 2009

Une fable d'ORGANISATION #2

Suite d'un précédent billet :
http://biens-communs.blogspot.com/2009/10/une-fable-dorganisation-1.html

Episode 2 :
Où on apprend que Captain Kirk est un sacré loup de mer.

Captain Kirk naviguait à vue voguant sur les flots en direction d'un autre bout de l'océan. Il souquait dur pour aller vite, pour être le plus rapide. Il voulait atteindre en tête son port de destination ; devant les autres, devant tous les autres qui entreprenaient la même traversée ; il était presque plus obsédé d'obtenir cette première place que d'arriver quelque part. Seul maître à bord après Dieu, il s'était adjoint une poignée d'officiers pour maintenir le cap lorsque parfois il se reposait, et surtout, pour mener les hommes d'équipages, nombreux, et qui servaient à faire avancer le bateau. On enchaînait les hommes à leur poste de travail pour qu'ils rament sans relâche et en cadence. Un open space sur trois étages de cale subtilement aménagé où se jouait, dans la quasi pénombre, une chorégraphie mécanique presque parfaite, réglée à coups de fouet, d'intransigeances et d'efforts. Au long cours l'équipage ne voyait ni le jour, ni la nuit, ni la mer, ni le soleil, ils ramaient. Régulièrement Captain Kirk remportait la régate et c'était pour lui un immense honneur. Mais parfois il ne gagnait pas, et voulait alors absolument comprendre les raisons de ces déconvenues. On pouvait alors débarquer des hommes qu'on trouvait usés, en recruter d'autres plus vigoureux, on jouait aussi sur la méthode de gestion du personnel, plus de fouet, moins de fouet, plus ou moins à boire, des rations plus ou moins importantes. Une fois ces petits réglages effectués, les vents devenaient plus favorables et Captain Kirk aimait à savourer à nouveau le sentiment pieux d'être le meilleur.

Mais il est arrivé à Captain Kirk, comme à d'autres de perdre tout le temps, à tous les coups, d'avoir perdu avant même de partir, de ne plus jamais gagner, distancé par la concurrence. Il ne restait plus alors qu'à implorer une intervention divine. Mais une telle incursion dans les affaires d'ici-bas restait rare et plutôt exceptionnelle, réservée aux âmes pures plus qu'aux âmes corrompues des hommes qui allaient sur la mer. Victime de la malédiction du ciel, et Dieu ne frappait jamais au hasard, le marin malheureux, le marin coupable ainsi débusqué n'avait plus qu'à s'amender jusqu'à la fin de ses jours, dans un couvent pour les cas les moins graves et, pour les péchés impardonnables à se donner la mort. Captain Kirk ne réagit pas ainsi, et à force de courage et d'abnégation il parvint à dépasser cet écueil surgi au travers de sa route. L'infortune l'avait durement frappé, mais finalement il avait réussi à se relever d'une débâcle sans précédent qui avait anéanti une bonne part de la flotte engagée dans la partie. Captain Kirk venait de vivre une véritable révolution, une transformation sans limite des principes de navigation, un saut brutal dans la modernité qui toutefois ne remettait nullement en cause les règles de la course hauturière.

A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.

Lire la suite l'épisode 3 : Où on apprend que la téléportation n'affranchit ni de l'acier, ni du gaz oil, ni des radars.

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jeudi 29 octobre 2009

Vive les barons

J'ai appris sur la télévision d'état que lors des élections législatives en France, le résultat de 55% des circonscriptions est parfaitement prévisible, parfaitement stable d'une élection à l'autre, et parfaitement réparti entre la droite et la gauche. Le résultat au niveau national dépend des autres circonscriptions où la compétition est plus ouverte. Il pourrait s'agir de constantes statistiques qu'on découvre qu'après coup, ou d'effets d'aubaine, mais non. A chaque découpage électoral les partis dominants se réservent de manière relativement équitable des fiefs afin d'éviter les surprises, de permettre à leurs ténors d'être élu à coup sûr. On comprend mieux pourquoi les cartes électorales qui sont régulièrement vilipendées, sont au bout du compte adoptées et acceptées dans le silence de la tradition républicaine. Ce sont justement ces ténors qui négocient entre eux de l'équité du découpage. Au Royaume Unis les découpages sont faits par une commission indépendante de démographes, de géographes... Il n'y a surement pas de système idéal, et le système anglais doit lui aussi avoir ces petits inconvénients. En France on se satisfait du système parce qu'à l'évidence, il marche malgré toutes les approximations arithmétiques : il y a des alternances politiques, la majorité dans le camps du présidentiel... Que demander de plus ?

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Encore merci

Il faut remercier le contribuable Américain qui en renflouant les banques à coup de milliards leur permettent de financer en milliards des campagnes de lobbying vers les élus afin qu'ils ne votent pas les réformes du système destinés à mieux régulés l'économie. Un petit investissement de la part des banques qui en cas de nouvelle crise pourrait encore leur permettre de gagner le Jack-pot : un nouveau sauvetage des banques en urgence aux frais de la princesse. Ce serait dommage de s'en priver. Un petit investissement en rapport de ce que cela peut rapporter, mais aussi au vu de ce qu'investissent les industries de la santé dans la valeur sénateur et représentant. Au rythme où vont les choses, les élus pourrons verser un petit pécule aux électeurs avant qu'ils aillent voter, ou pour aller encore plus vite, et se passer d'intermédiaires loyaux mais encombrants, les banques pourraient payer leurs clients pour qu'ils investissent dans des fonds pourris. Du gagnant gagnant quoi !

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samedi 24 octobre 2009

Une fable d'ORGANISATION #1

Episode #1
Où le décor est planté...


On compare souvent le chef d'entreprise au capitaine d'un navire. Il est courageux, il sait diriger sa barque, diriger des hommes ; apprivoiser les vents, ceux de la croissance ; surfer sur la vague, celle de la relance. On le présente parfois comme une sorte de cap-hornier de salon : séquestré dans un bureau, ligoté au capital de ses actionnaires et, accablé par le vacarme assourdissant de la grogne syndicale des cinquantièmes hurlants. Il est souvent seul à la manœuvre luttant farouchement contre les éléments déchainés. Un seul objectif : maintenir le cap de son frêle bâtiment vers des horizons plus calmes. Après le gros temps, voilà l'ENTREPRISE qui vogue sur des flots mélodieux, berceuse du sac et du ressac, souffle des embruns sur des voiles qui se hissent, douleur plaintive du bois qui a courbé sans casser. C'est le temps des nouvelles promesses, des tendances radieuses là-bas au sommet de l'océan, le temps des comptines, des affabulations, le temps d'une trêve pour rêver d'un monde meilleur. En musardant ainsi, parmi l'illusion d'un flux d'or sans fin distillé par le soleil couchant, le patron sait trouver les cordes sensibles qui nouent les destins entre eux, comme les formules qui ravivent les âmes naufragées, et il sait aussi faire chanter les sirènes qui renvoient au labeur. Le temps se gâte si vite à des milles nautiques au large de tout, et de tous. Il faut de suite appareiller sans retard. Les noirs esquifs des firmes concurrentes dardent déjà leurs ombres menaçantes...

A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.

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jeudi 22 octobre 2009

Pensée précaire : cancer de l'autoritarisme durable ?

J'ai répondu à ce questionnaire http://biens-communs.blogspot.com/2009/10/un-questionnaire-pour-les-precaires.html . Je l'ai trouvé pas si mal fait que ça. Il est suffisamment ouvert pour rendre compte de situations très diverses fonctions de l'ancienneté dans la précarité, de la plus ou moins grande proximité des organismes d'enseignement et de recherche, fonctions aussi des fonctions occupées : un champ très large que je pense très complexe. J'espère justement que le traitement de ce questionnaire m'apportera à moi ainsi qu'aux autres précaires, une représentation suffisamment fine de ce champ très opaque pour savoir comment et avec qui agir. Pour moi, mais je suis un vieux précaire, c'est l'isolement intellectuel, social, syndical et politique, qui est la forme la plus perverse de ces situations de non statutaire. Une mort sociale programmée.

Mais cette préoccupation soudaine à propos du sort des précaires, alors que le problème perdure et se perpétue depuis fort longtemps, peut apparaître quelque peu suspecte. A chaque fois que les statutaires de la fonction publique sont menacés, ils rouvrent le dossier de la précarité pour faire avancer le leur, et de conclure in fine : la gestion des emplois précaires dans les universités (par exemple) a été tellement catastrophique ces dernières années que la situation n'est pas gérable, alors, faisons table rase du passé et repartons sur des bases plus saines. Autrement dit, reconnaissons les "gens du passé" comme des déchets du système (à stocker en Sibérie pour les plus dangereux) et limitons à l'avenir la pollution produite par ce système.

Mais les gens qui ne sont pas « des déchets comme les autres déchets », restent, s'accrochent et tout redémarre comme si de rien n'était : une façon sournoise de faire comprendre que les précaires des activités scientifiques, le sont parce qu'ils le veulent bien, par choix, par sacerdoce. Les plus faibles servent souvent d'épouvantail dans les négociations : si vous n'aménagez pas un peu votre réforme j'agite l'épouventail culpabilisant des plus faibles, de la honte que vous ne puissiez pas faire grand chose pour eux, si vous négociez nous saurons "oublier", faire avec, ne plus faire cas.

Si vous avez des doutes sur ce processus vous pouvez vous reporter aux réactions des lecteurs à un article paru dans Lemonde.fr d'il y a quelques semaines, à propos de ces questions. http://biens-communs.blogspot.com/2009/10/les-soutiers-de-luniversite.html

Il est vrai que comme le suggère un chercheur (mail reçu dans le cadre d'une liste de diffusion) cette consultation reste insuffisante pour faire état du rôle que joue les précaires dans la recherche publique. Il propose de réaliser une étude quantitative sur le nombre de communications, de publications et d'interventions pour se faire une idée de ce que « la recherche publique française doit aux précaires ». Cette personne est persuadée, je le cite, que "le silence et la cécité de la plus grande partie de la profession - aux premiers rangs desquels les syndicats - concernant le rôle des précaires, n'est pas un hasard ; quoi de plus pratique qu'un sous-prolétariat intellectuel, condamné à produire chaque année pour quelques vacations pourries, alimentant sans rechigner le stock de productions nationales, dont la plus-value - en terme d'excellence scientifique, de classement - ira finalement aux installés." Une hypothèse de travail qui me paraît somme toute intéressante et fondée,mais, je crains que cette proposition d'étude bien que pertinente, ne puisse déboucher quels qu'en soient les résultats, que sur un "Et alors ?" généralisé. J'ai de sérieux doutes sur tout ce qui focalise aujourd'hui sur les question de la qualité des personnes, des compétences, de la récompense, de leur mérite, de l'évaluation...

Alors puisque la boite de Pandore s'entrouvre à nouveau, pourquoi ne pas tenter d'élargir la problématique posée par les précaires ? N'est-il pas urgent d'examiner les conditions de production actuelles et futures des sciences et de la connaissance ? Faut-il attendre qu'un illustre inconnu, caissier dans une station service décroche un prix Nobel, qu'il se refuse à aller le retirer de crainte de perdre son emploi, (à la station service il est d'astreinte et en plus ils sont en sous effectif, et le patron a horreur des vagues - c'est ça la France qui bosse ! -) que l'opinion publique s'en émeuve (c'est croustillant comme histoire non ?) et que l'opinion se persuade que ce monde rationnel si chèrement acquis, est quand même bien mal fait ?


A la fac ou au cirque, on m'avait enseigné que la science ne fondait rien de moins que le substrat de légitimation d'une civilisation à portée universelle tant sur le plan économique, social que politique (un truc pour accepter que les uns dominent les autres, pour comprendre le pourquoi du comment, pour donner un sens à nos existences, des origines et un destin, pour s'accorder sur des savoirs et aller de l'avant ensemble...). Interroger les conditions sociales et administratives de production de l'activité scientifique, c'est aussi interroger la valeur humaine d'un système que l'on souhaite universel. Il faudrait alors commencer par décrire très candidement des pratiques, sans nécessairement les dénoncer, juste les décrire, prendre note, montrer, sans chercher à démontrer donc sans généraliser, publier les approximations, les absurdités, les dysfonctionnements, partager l'anecdotique, plutôt que de le conserver jalousement au sein d'un petit cercle d'initiés. Il faudrait attendre, peut-être pas longtemps, qu'à force de détails un dessin apparaisse : des figures de personnel de recherche précaires ou pas (de plus en plus des pas précaires ?) ressemblant à des clowns, des scènes d'établissement d'enseignement supérieur et de recherche (de plus en plus ?) apparentées à celles du cirque, et ce, dans un environnement de plus en plus déterminé et justifié par la science et ces applications.




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Un questionnaire pour les précaires

Pour que les précaires de l'enseignement supérieur et de la recherche publique sortent de l'invisibilité, un questionnaire (anonyme) destiné à recueillir leurs conditions de travail est à remplir en ligne à l'adresse suivante :

http://www.precarite-esr.org

Ce questionnaire vise toutes les personnes qui, dans un statut précaire, travaillent pour l'enseignement supérieur et la recherche publique (ESRP) que ce soit dans des fonctions de chercheur-e-s ou de personnels administratifs ou techniques, et ce dans toutes les disciplines et tous les secteurs de l'ESRP. Le remplissage du questionnaire prend moins de 10 minutes et couvre à la fois la question des rémunérations (y compris bien sûr le travail gratuit), les conditions de travail et les relations avec les autres acteurs de l'ESRP.

Ce questionnaire a été d'abord construit et administré sur le site CNRS Pouchet (Paris), au printemps dernier. Il est à présent porté à un niveau national par l'intersyndicale ainsi que SLR et SLU.

Il est très important que cette consultation recueille un maximum de réponses dans le but d'avoir une image la plus précise possible de la précarité et d'établir un cahier revendicatif à l'adresse du gouvernement. A diffuser largement.

mardi 20 octobre 2009

Double face de profil

La responsable du Service de Ressources Humaine de l'université Stendhal, Grenoble 3, GREN3OBLE (d'après le responsable du service logo) m'a fait l'honneur de m'envoyer un courrier que j'ai reçu ce matin. Hélas, il s'agissait de m'informer que je n'avais pas été retenu par la commission de recrutement, car malgré l'intérêt que revêtait mon profil, il ne correspondait pas à celui recherché. Pas si étonnant que cela, puisque l'intitulé du poste figurant sur l'annonce à laquelle j'avais répondu correspondait au recrutement d'un ou d'une chargé(e) d'études socio-économiques, et que le rejet de ma candidature était adossé à un poste de chargé d'insertion et d'orientation professionnelle.

Alors peut-être que lorsque cette université souhaite engager des chercheurs, cette perspective lui fait tellement honte (rassurons nous elle ne le fait que lorsqu'elle y est obligée, il y a des départs, des morts, que voulez-vous...), peut-être alors qu'elle cible sa campagne sur des postes de femmes de ménage et comme cela, fortuitement, dans le flot des compétences au récurage, au briquage et cirage de pompes apparaît le profil tant attendu du futur prix Nobel de grec ancien. Ce sont les vrais femmes de ménage qui risquent d'être déçues. En qualité d'ancien étudiant de l'université Stendhal peu inséré depuis, j'espère bien que la future recrue saura m'initier à la subtilité des ces nouvelles stratégies des métiers et de l'emploi à l'université comme ailleurs ; cela m'évitera de chercher naïvement à faire correspondre mon profil à celui de l'emploi à pourvoir.

Cette eclairage serait salutaire en ces temps troubles, où les gens capricieux semblent se suicider pour un oui ou pour un non, et en plus semblent, ultime calomnie funeste de leur part, dénoncer des modes de management par le suicide (quelle horreur !), tellement inouïs, inimaginables, si contraires à nos valeurs collectives, à notre éthique, à notre déontologie, qu'on se dit que ce n'est pas possible, que ça ne peut pas exister, qu'il faut qu'on juge les responsables et qu'on les pendent... En fait on a tellement peur que les responsables se suicident à leur tour, en dénonçant d'autres responsables (peut-être nous mêmes ?), qu'on préfère qu'ils ne voient pas, qu'ils ne disent pas, qu'ils n'entendent pas, qu'ils ne comprennent pas. Et lorsque les faits les bousculent, les poussent dans leurs derniers retranchements, qu'ils n'ont plus d'autre choix que celui de réagir, alors, c'est eux qui dénoncent la rumeur, le complot, le mauvais oeil qui en veut à leur réussite, à leur bonheur, à leur réputation. Ils s'adressent alors aux scrupules de nos âmes candides, en nous répétant à souhait la leçon de sociologie d'Emile Durkheim, le suicide est normal, un phénomène social et régulier, une mort choisie et de plus qui vient tout d'un coup, presqu'un bonheur, qui s'oppose au sort infâme que réserve la société aux grands pervers, qui eux n'ont pas cette chance de pouvoir, de vouloir mourir, qui eux, comme nous l'a appris Chanderlos de Laclos dans les liaisons dangereuses, sont marqués par le remords pour le restant de leurs jours, ruminent une vérole amère dans leur ventre et dans leur âme, et portent à jamais cette infamie sur leur figure. Ne rajoute pas le pire au mal pourrait dire le commandement d'une nouvelle religion, considère toujours que le mal est normal quand il s'abat sur autrui.
Pauvre monde pervers !

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CAC Forty

Mon pote Cac Forty exultait Hier. Son indice avait battu tous les records. Comme je lui demandais si ce n'était pas un peu exagéré en ces temps de crise et de chômage. Il me répondait un peu gêné que le chômage était bon pour son indice. Comme il remarquait ma mine outrée de badaud qui ne comprenait rien, il prit la peine de m'expliquer que, ce qui était bon, c'était que le chomage ne progresse pas trop brutalement, que bientôt ça irait vers la stabilisation et après ça diminuerait. Mais qu'il fallait que ce soit pas trop d'un coup, au bon rythme, et ce sera là que vraiment son indice allait flamber, parce que là il était content mais encore un peu petit joueur, par rapport aux anciens à ceux d'avant 2008 et même à ceux de la fin du siecle dernier. Alors empli de toutes ces lumières savantes, je lui faisais remarquer que c'était pareil que les batteries Lithium-Ion, les charges et les décharges régulières étant garantes d'un fonctionnement optimal alors que les ruptures, les excès peuvent mener à l'explosion de la batterie. "Oui, c'est ça" m'avait il répondu, puis énigmatique il concluait : "c'est toujours mieux quand la batterie est pleine, quand elle est vide, c'est bon aussi, mais on se met sur le secteur et c'est moins pratique".
J'oubliais de lui demander qui étaient les ions cons et les lithium hommes de pierre.

dimanche 18 octobre 2009

140 milliards $

140 milliards de dollars en bonus pour les traders US, je remercie pour eux les contribuables américains. Ces derniers pourront se rendre là http://bienscommuns.org/signature/appel/index.php?a=appel pour prendre connaissance et signer le manifeste pour la récupération des biens communs : c'est gratuit.
Ensuite, mais que s'ils sont mauvais joueurs, ils pourront se procurer le dernier livre d'Hervé Kempf, un journaliste du monde : Pour sauver la planête, sortez du capitalisme. C'est le dernier lauréat du prix du livre environnement de la Maison de la Nature et de l'Environnement de l'Isère.
http://www.mnei.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=596&Itemid=125
ou là avec un peu plus de détails
http://www.reporterre.net/spip.php?article125
avec un résumé http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/02/22/Hervé-Kempf-%3A-Pour-sauver-la-planète%2C-sortez-du-capitalisme

En gros plus de coopération et moins de compétition ( et pourtant 140 000 000 000 $ en 2009, c'est bien mieux qu'en 2008 et 2007 !)

mercredi 14 octobre 2009

L'histoire d'un blog

Texte de Olivier Ertzscheid. Maître de conférences à l’université de Nantes. A l’origine - avec d’autres collègues - du lancement du premier blog francophone collaboratif dans le domaine de l’information scientifique et technique. Auteur du blog scientifique « Affordance.info » (http://www.affordance.info).
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/


C’est l’histoire d’un blog de chercheur comme le monde en compte aujourd’hui quelques milliers. Espace d’écriture hybride, entre atelier scientifique et échos du quotidien, entre paillasse et machine à café. Rien ne change. Parfois simples signalements de ressources glanées sur le net, parfois analyses plus fouillées, ces notes, billets et notules n’ont rien d’original. Ils sont le travail que chacun d’entre nous effectue au quotidien. Le fil d’Ariane d’une éternelle triangulation entre notre laboratoire, nos enseignements et le monde comme il va. Tout change. Ils sont lus. Ils existent dans l’espace public du débat, scientifique ou non. Lus par d’autres collègues, par nos étudiants, par de simples curieux, par des spécialistes ou des professionnels, de notre discipline ou venant d’autres champs. Ils créent un espace de débat et d’interaction nouveau. Un espace que les revues, dans leur forme actuelle, ne peuvent intégrer. Une temporalité, une réactivité que les colloques et conférences, par leur périodicité et leurs géographies distantes, ne peuvent instaurer. Des accélérateurs. Ces débats, ces espaces et ces nouvelles temporalités sont aujourd’hui absolument nécessaires. Ce temps court des blogs scientifiques ne met aucunement en péril le temps long de l’activité scientifique. Il l’inaugure et le complète. Il en est l’indispensable adjuvant. C’est un temps qui fait trace, qui donne corps. Du temps gagné également grâce à l’organisation et la structuration que permettent les plateformes de publication. Le rubriquage thématique et la périodicité automatique de l’archivage temporel permettent de rassembler rapidement les diverses notules en vue de la préparation d’un nouveau cours, d’une nouvelle conférence, d’un nouvel article. Notules enrichies bien au-delà de l’espace-temps habituel des seuls collègues de la discipline, ou du laboratoire de rattachement. Nouveaux agencements dynamiques du discours scientifique en train de se construire. Chaînon manquant. Les blogs de chercheurs n’ont plus aujourd’hui à faire la preuve de leur intérêt scientifique et sociétal. Vulgarisateurs et pédagogues ils n’ont d’autre ambition que d’exposer la science en train de se faire. Documentés et sourcés, ils offrent au lecteur une parole toujours située, ce qui ne l’empêche pas d’être différemment orientée. Dans l’isegoria foisonnante de nos démocraties numériques, la place de cette parole authentifiée a vocation d’essentiel. En prise avec la société civile et les débats qui l’agitent, ils sont l’instrument permettant d’abolir l’emprise de certaines contre-vérités et approximations, de certaines désinformations manifestes. Science 2.0. La formule est un gimmick marketing qui ne doit pas faire oublier le changement profond et pérenne des pratiques ainsi dénommées. « Séminaire permanent » reposant sur une « culture de l’expérience » comme l’écrit André Gunthert sur son blog (http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/09/15/807-why-blog), l’activité de blogging scientifique n’est rien d’autre qu’une activité de recherche et d’écriture qui autorise, qui entretient et qui induit nécessairement autant qu’intrinsèquement toute une série d’apprentissages et de collaborations périphériques, périphéries chaque jour plus centrales dans les rapports qu’entretiennent science et société, chaque jour plus déterminantes dans la conduite de nos métiers. Les communautés inter ou trans-disciplinaires laissent place à des communautés d’intérêt et de pratiques au moins autant fécondes. Observation participante. Les blogs de chercheurs sont, réflexivement et par nature, d’extraordinaires objets d’étude pour les SIC en ce qu’ils cristallisent des problématiques allant du lissage des différents espaces de publication aux nouvelles granularités de la diffusion des idées, de l’économie de la citation aux stratégies d’énonciation, de l’analyse des activités expertes à la place de la parole scientifique dans la société civile, du rôle des technologies numériques aux processus de médiation les accompagnant. Demain. Demain, il faut le souhaiter, c’est l’ensemble des enseignants-chercheurs qui tiendront un blog. Ce qui fut longtemps l’exception deviendra la règle. On aura mesuré les gains possibles en terme d’intégration des nouveaux doctorants, de visibilité de nos laboratoires et de nos travaux, de fertilisation croisée entre différents champs scientifiques, et l’on se sera donné les moyens de généraliser ces gains à l’ensemble de la communauté scientifique. Alors de nouveaux glissements se feront sentir dans la tectonique de l’énonciation scientifique. Alors de nouveaux artefacts émergeront. Aujourd’hui. La force des blogs scientifiques est d’être à l’unisson des bouleversements qui affectent l’ensemble de nos pratiques informationnelles connectées, tout en préservant ou en ré-instaurant la distance nécessaire à leur analyse. Hier. Pointés du doigt il y a encore deux ou trois ans de cela (sur l’air de « allons voyons mon cher collègue, cela n’est pas sérieux »), aujourd’hui souvent plébiscités par les médias ou placés sous les feux de la rampe de l’un de ces nombreux classements dont est friande la société civile (sur l’air du « palmarès mensuel des meilleurs blogs de chercheurs »), demain les blogs seront simplement devenus un élément nécessaire et constant de l’écosystème de la publication scientifique et du fonctionnement académique. Une banalisation souhaitable et par ailleurs déjà observable. Puisse le travail mené depuis déjà 4 ans sur Affordance.info y contribuer.


Bonne nouvelle pour la théorie des biens communs

Texte d'Hervé Le Crosnier originellement publié le 12 Octobre 2009 sur Vecam : http://vecam.org/article1122.html

Le prix Nobel d’économie a été décerné ce matin à Elinor Orstrom, qui travaille sur les Communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance qui place les décisions collectives des « communautés » au centre du jeu socio-économique. Cette question des Biens communs a longtemps été ignorée par la science économique, par la politique et par les mouvements sociaux, mais elle est en passe de redevenir un « outil pour penser » majeur.

Le prix Nobel d’économie a été décerné ce matin à Elinor Orstrom et Oliver Williamson. Leurs travaux, quoique très différents, portent non plus sur la modélisation économique, mais sur le « retour au réel ». Ils prennent en compte des interactions humaines en s’échappant du modèle de la « rationalité économique » qui prévaut dans les constructions mathématiques à la mode au cours de la décennie précédente. Après la reconnaissance du travail de Paul Krugman l’an passé et de Mohamed Yunus l’année précédente, c’est à une ré-orientation globale de la recherche en économie que nous assistons. L’économie n’est plus cette théorie univoque qui servirait de hochet aux politiciens en mal d’instruments de pression sur les peuples (le « There is no alternative » de Margaret Tatcher, repris sous toutes ses formes par nos dirigeants néo-libéraux de tous bords depuis presque trente ans). Les décisions des humains de construire ensemble leur mode de production et de trouver des règles qui ne ressemblent pas à l’imagerie du marché afin d’autogérer leur actions communes pourraient revenir au centre de la réflexion.

En soi, ce simple fait serait une bonne nouvelle. Ajoutons que Elinor Orstrom est aussi la première femme récompensée par un Prix Nobel d’économie... pour des travaux sur l’organisation collective de la vie. Mais c’est pour d’autres raisons encore qu’il faut se féliciter aujourd’hui de la décision de Stockholm.

Elinor Orstrom travaille sur les Communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance qui place les décisions collectives des « communautés » au centre du jeu socio-économique. Or cette question des Biens communs, qui a longtemps été ignorée par la science économique, par la politique et par les mouvements sociaux, est en passe de redevenir un « outil pour penser » majeur, qui ouvre de nouvelles portes, et qui est en adéquation avec les questions du siècle qui débute (crise écologique, irruption des réseaux numériques, économie de la connaissance, modification profonde des régimes de production, redéfinition des droits de propriété immatérielle...). L’extension du travail immatériel et du numérique à l’échelle du monde et dans toutes les activités humaines souligne l’émergence centrale d’un nouveau type de bien commun, articulé autour de la connaissance et de l’information, et des règles collectives de fonctionnement en réseau.

La question des « Communs » est au coeur de l’histoire du capitalisme. La première grande révolte populaire fondatrice de nos conceptions actuelles du droit, dans l’Angleterre du XIIIème siècle, avait pour cause l’expropriation des Communs. En mettant la main sur les forêts et les terres communales, le Roi Jean et les Barons jetaient dans le dénuement le plus total ceux dont la survie même dépendaient de ces terres ouvertes aux récoltes de tous : veuves ayant le droit de ramasser le bois de chauffage, paysans laissant paître les moutons, ramasseurs de champignons et de miel,... L’enclosure des Communs allait susciter de grands mouvements populaires, et des figures fortes marquant l’imagination comme « Robin des Bois ». Une armistice fut trouvée dans l’élaboration de deux traités en 1215 : la Grande Charte et la Charte des Forêts. Le premier consacrait ce que nous appelerions aujourd’hui les Droits politiques et sociaux et offrait la garantie de procès équitables et la nécessité de placer l’autorité royale sous le régime collectif de respect du droit. Et le second se consacrait aux « droits économiques et sociaux » en définissant les droits des usagers des forêts, les communs de l’époque. Dès lors cette question des communs a traversé toutes les révoltes populaires, tout comme elle a traversé toutes les tentatives d’élaborer un droit et des lois qui équilibrent les sociétés en respectant les humains qui la composent. En sens inverse, à la suite de Peter Linebaugh, on peut relire l’histoire de la colonisation, de l’esclavage et de la prolétarisation comme une volonté perpétuelle du capital de réduire les communs et d’imposer le règne de la marchandise, à la fois pour dégager de nouveaux espaces au profit, mais aussi pour limiter les capacités d’auto-organisation des populations.

Du côté scientifique, la notion de Communs reçu une attaque particulièrement pernicieuse en 1968, quand le socio-biologiste Garrett Hardin publia son article « la tragédie des communs ». Dans ce modèle abstrait, Hardin considérait l’usage abusif de paturages communs par des bergers, chacun cherchant à y nourrir le plus grand nombre d’animaux... au point de réduire la quantité d’herbe disponible. Ce modèle du « passager clandestin », qui profite d’un bien disponible sans s’acquiter de devoirs envers la communauté, reste le modèle abstrait de référence ; un modèle simpliste qui colle parfaitement avec l’idéologie libérale. Avec de telles prémisse, la conclusion de Hardin s’imposait : « le libre usage des communs conduit à la ruine de tous ». Or Elinor Ostrom et Charlotte Hess, dans leur ouvrage majeur « Understanding knowledge as a commons » réduisent en poudre ce modèle qui a pourtant fait couler tant d’encre. Pour elles, le modèle de Hardin ne ressemble aucunement aux communs réels, tels qu’ils sont gérés collectivement depuis des millénaires, à l’image des réseaux d’irrigation ou des pêcheries. Pour Hardin, les communs sont uniquement des ressources disponibles, alors qu’en réalité ils sont avant tout des lieux de négociations (il n’y a pas de communs sans communauté), gérés par des individus qui communiquent, et parmi lesquels une partie au moins n’est pas guidée par un intérêt immédiat, mais par un sens collectif.

Le grand apport d’Elinor Orstrom est dans cette distinction entre les « Communs considérés comme des ressources » et les « Communs considérés comme une forme spécifique de propriété ». Cette conception prend de plus en plus d’importance avec l’intégration des préoccupations écologiques dans l’économie. La notion de Communs devient attachée à une forme de « gouvernance » particulière : il s’agit pour la communauté concernée de les créer, de les maintenir, les préserver, assurer leur renouvellement, non dans un musée de la nature, mais bien comme des ressources qui doivent rester disponible, qu’il faut éviter d’épuiser. Il n’y a de Communs qu’avec les communautés qui les gèrent, qu’elles soient locales, auto-organisées ou ayant des règles collectives fortes, y compris des Lois et des décisions de justice. Les Communs sont des lieux d’expression de la société, et à ce titre des lieux de résolution de conflits.

La théorie des Communs connaît un nouveau regain depuis la fin des années 1990, quand on a commencé à considérer les connaissances, les informations et le réseau numérique internet lui-même comme un nouveau Commun, partagé par tous les usagers, et auprès duquel chaque usager a des droits (libre accès au savoir, neutralité de l’internet, production coopérative, à l’image de Wikipedia,...) comme des devoirs. Il existe une différence majeure entre ces Communs de la connaissance et les Communs naturels, qui a été pointée par Elinor Orstrom : les biens numériques ne sont plus soustractibles. L’usage par l’un ne remet nullement en cause l’usage par l’autre, car la reproduction d’un bien numérique (un fichier de musique, un document sur le réseau, une page web,...) a un coût marginal qui tend vers zéro. On pourrait en déduire que ces Communs sont « inépuisables », et qu’une abondance numérique est venue. Or si l’on considère les Communs comme un espace de gouvernance, on remarque au contraire que ces nouveaux Communs de la connaissance sont fragiles. Il peuvent être victimes de ce que James Boyle appelle « les nouvelles enclosures ». Les DRM sur les fichiers, l’appropriation du réseau par les acteurs de la communication, la diffusion différenciée des services selon la richesse du producteur, l’appropriation privée des savoirs (brevets sur la connaissance) ou des idées et des méthodes (brevets de logiciels), le silence imposé aux chercheurs sur leurs travaux menés en liaison avec des entreprises,... sont autant de dangers qui menacent ces nouveaux Communs au moment même où leurs effets positifs sur toute la société commencent à être mis en valeur.

Ces Communs de la connaissance ont donné lieu à l’émergence de nombreux mouvements sociaux du numérique, à des pratiques communautaires dépassant les cercles restreints pour peser sur toute l’organisation de la société en limitant l’emprise du marché et des monopoles dominants sur cette nouvelle construction collective du savoir. On peut citer ainsi le mouvement des logiciels libres ; celui des scientifiques défendant l’accès libre aux publications de recherche ; les paysans opposés à la mainmise sur les semences ; les associations de malades oeuvrant pour la pré-éminence du droit à la santé sur les brevets de médicaments ; les bibliothécaires partisans du mouvement pour l’accès libre à la connaissance ; les auteurs et interprètes qui décident de placer leurs travaux sous le régime des « creative commons » ; les rédacteurs de projets collectifs qui construisent des documents partagés sous un régime de propriété ouvert, garantissant la non-appropriation privée, à l’image de Wikipédia ou de Music Brainz ; ce sont même des organismes publics qui partagent leurs données pour des usages libres, commela BBC pour la musique et les vidéos, ou PBS le grand réseau de radio public des Etats-Unis. Avec l’internet, cette notion des Communs de la connaissance connaît à la fois un profond intérêt scientifique et pratique, mais voit aussi un nouveau terrain d’expérimentation. Le réseau numérique est à la fois un outil pour la production de ces communs numériques, et une source de règlement des conflits ou de partage des méthodes d’organisation garantissant la maintenance des communs ainsi construits.

En rapportant la question des Communs à cette double dimension, de la gouvernance d’architectures humaines et de biens collectifs d’une part et de la mise à disposition pour tous et le partage des outils et des connaissances d’autre part, les travaux scientifiques sur les biens communs, dont Elinor Orstrom est une figure majeure, ouvrent des portes nouvelles aux mouvements sociaux du monde entier. En témoigne le récent appel « Pour la récupération des biens communs » issu du Forum Social Mondial de Belèm de janvier 2009.

L’attribution du Prix Nobel d’économie à Elinor Orstrom est donc une excellente nouvelle pour le développement d’une réflexion politique et sociale adaptée aux défis et aux enjeux du 21ème siècle.

Caen, le 12 octobre 2009

Hervé Le Crosnier

(Texte diffusé sous licence Creative commons v3 – attribution.)

Pour approfondir la réflexion, quelques pointeurs sur la question des Communs, notamment des communs de la connaissance :

Les soutiers de l'université

Un article sur la précarité des personnels enseignants et chercheurs des universités françaises qui est assez complet et intéressant. Il faut lire aussi et surtout les commentaires laissés par les abonnés du Monde.fr. C'est assez étonnant : un tel mépris pour les universitaire ? Ou pour les précaires ?

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/10/05/les-soutiers-de-l-universite_1249443_3224.html