Episode 1
Épisode 2
Épisode 3
Épisode 4
Épisode 5 : Où on s'aperçoit que l'homéopathie peut dissoudre l'intelligence dans la bêtise et vice versa.
Rogner sur l'intelligence, c'était un peu comme transmuter un lingot d'or en savonnette et l'oublier dans une barrique pleine d'eau chaude : un truc qu'on fait et qu'on sait qu'on va regretter après. Après qu'on se soit extasié devant la beauté des bulles de savon dorées, qu'on ait couru après chacune d'elles, cherché à les attraper délicatement, jusqu'à cette dernière, la plus belle, posée sur le bout d'un doigt, celle qui frissonne une dernière fois avant d'éclater à son tour. Que reste-t'il après ? Après, il reste encore l'envie de recommencer.
Concrètement les résultats de cette rognure en surprirent plus d'un : la situation ne s'améliorait pas, c'est vrai, mais ne se détériorait pas non plus. On préférait garder le secret sur cette corruption qui pouvait paraître si éhontée, mais les faits parlaient d'eux-mêmes : en diluant l'intelligence à la manière des préparations homéopathiques, les résultats ne changeaient guère. L'intelligence ne servait donc plus à rien, ou à plus grand chose, ou presqu'à plus rien. Mais la question du presque turlupinait les esprits. Personne ne savait vraiment ce que ce presque voulait dire. Et bien malin aurait été celui qui, emporté dans un excès de zèle, aurait fait basculer le judicieux équilibre, aurait pris le risque fou d'être entraîner par le fond, coulé par la bêtise et par un excès de témérité.
Le Captain Kirk, plus prudent, avait préféré y aller mollo, toujours en hésitant, et toujours parce qu'il ne pouvait plus s'y prendre autrement. A chaque fois qu'il supprimait un poste intelligent, il n'était en fait sûr de rien : "ça pourrait tout craquer d'un coup !", pensait-il. Il angoissait comme jamais, tout en voulant ne rien laisser paraître. Il montrait qu'il restait concentrer sur sa mission. Il appuyait sur des touches comme d'autres jouent au mikado. Il attendait fébrilement le résultat de chaque manoeuvre, à l'affut du moindre craquement, anticipant chacun des mouvements du bâtiment, même les plus furtifs. Occupé ainsi à écouter les chuchotements intimes de son destin, le Captain Kirk semblait aussi redécouvrir des plaisirs oubliés. Dans sa navigation, il se sentait de plus en plus chef et pleinement commandant. "Ça répond de plus en plus au doigt et à l'oeil dans le bastingage", se disait-il avec satisfaction. Il ne percevait plus, ou de moins en moins cette inertie, comme une réticence, parfois lorsqu'il ordonnait de virer, ou au contraire, cette étrange sensation de fluidité des gouvernails qui semblaient fonctionner comme par anticipation des décisions du patron. Il avait, dans le passé, eu parfois l'impression d'être lui-même piloté par son embarcation plutôt que le contraire. Il avait eu le désagréable sentiment d'avoir été mené en bateau par des subalternes. Le Captain Kirk retrouvait en rognant toujours plus dans son capital d'intelligence embarquée, les sensations des marins d'antan : le goût du jeu avec les éléments et avec les hommes, l'envie du défi, du dépassement de lui-même et du raisonnable.
A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.
A venir l'épisode 6 : Où on découvre que la loi des grands nombres peut donner de sacrés coups de main.
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