jeudi 12 novembre 2009

Une fable d'ORGANISATION #7

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Épisode 7 : Où on découvre que le monde va mieux quand il est à l'endroit.

L'aventure se devait de continuer. Aucun accroc ne pouvait plus la stopper. Pourquoi se serait-on senti responsable, ou pire coupable, d'une bévue ou même d'une mésaventure lorsque seule la participation importait. A quoi bon se poser des questions dans la mesure où : "participe !" "Participe encore !", et, "la chance te sourira bientôt si tu participes !", étaient les seules devises qui valaient. Participer, même sans mise de départ, avec ou sans crédit, la participation devenait le seul gage de réussite, alors pourquoi gâcher une telle aubaine ?

Il a pu se pratiquer dans des temps anciens de vouloir laver son honneur dans le sang, dans son propre sang. Mais pourquoi faire peser sur soi, et soi seul, le poids d'une défaite, quand débordant d'amour, de gratitude et d'admiration, les hommes comme les femmes d'équipage sont prêts en toutes circonstances, à abandonner leur paie, leur salaire, leurs gages pour participer encore, participer encore une fois et toujours à la grande loterie ? C'est ainsi que les pires malheurs sont à tous les coups surmontés.

De récents soubresauts sur la piscine à vagues avaient été vécus comme un véritable séisme aux effets dévastateurs. Le fier bâtiment dirigé par le Captain Kirk s'était complètement affaissé de la proue, comme agenouillé au milieu du grand large. Il avalait des torrents d'écumes déchainées. Comme cassé en deux, avec la poupe relevée, il se faisait torcher par les puissants assauts de la tempête, matraquer par un déluge de grêlons gros comme le bras, et gonflés par le mépris. La sombre affaire, qu'on disait alors liée à une simple erreur d'appréciation, s'était soldée par un avertissement sans frais. Plus tard, couché sur le flanc, la lourde carcasse du vaisseau gisait, endolorie, recroquevillée sur une plage de sable, proche de nulle part. Le Captain Kirk vomissait sa réputation souillée par la brutalité du destin. Les grues rapaces s'agglutinaient et guettaient le dernier souffle de la dépouille, pendant que les requins chapardaient des morceaux de choix dans la masse à l'agonie mais toujours vive. La fin eut été inéluctable, si les femmes et les hommes de l'équipage dans un sursaut d'orgueil, n'avaient repris l'initiative à leur compte.

Ils s'étaient tous réunis, un peu disputés et finalement convaincus. Certains avaient voté pour, d'autres contre, mais une majorité avait décidé. Ils clamaient à l'unisson, à travers le grillage et le cordon de sécurité qui les séparait dorénavant de la détresse mondaine du Captain Kirk, leur volonté d'offrir leurs salaires, leurs économies, leurs biens, tous ce qu'ils possédaient pour pouvoir repartir, pour faire un autre tour. Nus s'il le fallait, le ventre vide, malades, rien ne revêtait plus d'importance pour eux que de sortir de cette torpeur morbide, leur guide suprême, leur chef, leur commandant.

Le Captain Kirk n'eut point à recourir à ces largesses émouvantes. De part sa position dans la société, il eut été déplacé de sa part de s'associer à ces manières quelques peu collectivistes. Mais dès lors et pour longtemps encore, le Captain Kirk se sentira porté par ces ondes positives, celles qui abattent les montagnes et soumettent les pires remous des océans. Il sut jouer de ses réserves oubliées, de ses relations re-mantelées, comme il sut profiter des paradis de complaisance pour relancer son épave sur les traces du succès. Il fut à même de réarmer son rafiot déglingué, avec tous les fards nécessaires pour satisfaire sa passion conquérante. On aimera longtemps communier ensemble à son bord, en se rappelant avec ferveur et émotion ces évènements fondateurs. On réclamera toujours que le Captain Kirk répète encore cette histoire, avec ses yeux plein de larmes ; c'est à tout jamais lui qui la racontait le mieux !

A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.

A venir l'épisode 8 : Où on découvre que la prospérité ça roule tout seul.


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