jeudi 12 novembre 2009

Une fable d'ORGANISATION #8

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Épisode 8 : Où on découvre que la prospérité ça roule tout seul

Cette situation extrême et exceptionnelle avait révélé malgré tout des dissensions au sein de l'équipage. En d'autres temps, la cohésion de l'ensemble aurait pu sembler menacée par ces désaccords. Mais là, les fêlures, ces germes de la contestation et de la revendication apparaissaient plutôt au Captain Kirk comme du pain béni. Sans même qu'il ait vraiment à intervenir, l'unité morcelée se recomposait comme par magie.

En examinant l'équipage avec plus d'attention, on se rendait compte qu'il se décomposait en divers groupes soutenant des opinions contradictoires : par exemple, ceux qui souhaitaient donner leur paie et ceux qui ne l'acceptaient pas. Mais ces groupes eux mêmes, étaient fragmentés à leur tour par une multitude d'opinions, quasiment particulières à chaque individu, et parfaitement inconciliables les unes avec les autres : à dire vrai, une sacrée foire d'empoigne. Un œil expert savait aussi repérer dans ce remue-ménage, des grandes orientations plus générales, qui opposaient les gens et, travaillaient l'ensemble plus en profondeur.

Pour faire apparaitre plus clairement ces lignes de fracture, il fallait agiter très fortement le tout, presque jusqu'à la rupture, et attendre quelques instants, que le voile des suggestions et des illusions individuelles se dissipe. Apparaissait alors très distinctement la confrontation froide de deux groupes, achoppant sur des problèmes relatifs à l'engagement dans l'entreprise. Là où les uns étaient positifs, volontaires et confiants, les autres nourrissaient des doutes, étaient obsédés par des pensées négatives qui les rendaient réticents à tout. Là où les uns vibraient d'émotion, pétillaient de naturel et de spontanéité, les autres restaient froids, moqueurs, calculateurs. A des élans généreux qui libérait à l'évidence toute l'énergie, toute la vitalité de chacun, répondait une attitude rabat-joie de frustrés psychorigides, ringards et nostalgiques du monde étriqué d'autrefois : petit bourgeois de province, petit train-train, petit confort.

On ne pouvait savoir comment l'intelligence s'était répartie entre les deux groupes, puisque cette dernière était dissoute et guère visible à l'œil nu. On ne pouvait que constater l'existence de traces en suspension et voir parfois des grumeaux coaguler en surface ou plus en profondeur. Le processus de dissolution saturait de temps à autres. Les dissensions de l'équipage se dessinaient précisément là, sur ce défaut du système : un défaut dans l'absolu qui s'avérait dans les faits plutôt un avantage qu'un inconvénient.

Par exemple, après le geste généreux qui avait vu une bonne partie de l'équipage offrir ses gages en échange de rien, le Captain Kirk avait souhaité récompenser cette initiative sans précédent dans l'histoire de la course au large. Il ne se sentait point redevable car l'offrande ne fut pas consommée, mais il tenait à gratifier l'idée d'être prêt au sacrifice : sceller cette alliance, promettre la prospérité et qu'on ait foi dans sa parole. Il voulait mettre le prix, disait-il, pour quelque chose qui n'avait pas de prix.

L'équipage réagit au delà des attentes du Captain Kirke. Plutôt que d'obtenir tout autre chose, il demanda lucide et prévoyant, un simple transfert, d'une partie des salaires du groupe des réticents, vers celui des consentants. On démontra qu'ainsi, le capital disponible pour faire face à une éventuelle, nouvelle tempête dévastatrice, se trouverait renforcé et consolidé : une opération blanche pour la collectivité, doublée d'une mesure utile pour faire face en cas de coup dur. Même la plus haute résolution de l'intelligence ne pouvait pas résister durablement à de tels symboles.

A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.

A venir l'épisode 9 : Où on découvre la grandeur de s'éclairer à la vessie et de se soulager à la lanterne.


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