Episode 1
Épisode 2
Épisode 3
Épisode 4
Épisode 5
Épisode 6
Épisode 7
Épisode 8
Épisode 9
Épisode 10 : Où on découvre que Dieu est descendu d'un étage.
Qui a bourlingué sur toutes les mers du globe connait la force de la pensée contemplative. Les yeux grands ouverts sur l'étendu du monde sans limite découvrent sur le reflet d'un détail, la séance privée de tout un cinéma passionnant, et obsédant.
Le Captain Kirk aux commandes de sa nef vagabonde profitait de longues méditations, pour remplir son esprit d'images pieuses et bigotes. Depuis son saint siège, posé comme une cathédrale au carrefour de la rose des sens, il se livrait à l'étude cardinale de ses filiations, depuis la petite graine qui l'avait fait, lui, à celles innombrables qui, de lui avaient essaimé aux quatre coins du monde. Il aimait que le souffle de l'air marin s'engouffre dans ces oreilles, fasse vibrer le sommier de ses rêves ; il aimait durant ces fugues de la concentration, entendre un orgue interprété son organigramme personnel comme une partition, et se délecter de la mélodie de la béatitude.
Dans ces moments là, le Captain Kirk se souvenait d'une scène de naufrage. Un capitaine, l'air terrible, borgne avec une jambe de bois criait sur le pont en brandissant un sabre : "les femmes et les enfants d'abord !" Le marin était ensuite affalé dans une chaloupe où des hommes sales, épuisés - curieusement que des hommes - étaient entassés. L'officier parlait d'une voix rocailleuse, vulgaire, ordonnait, pestait, humiliait. Il rationnait l'eau, les vivres, jetait à la mer les malades comme les récalcitrants. La rumeur emplie des plaintes et des souffrances de l'équipage grondait, puis cessait d'un coup après un cri, après un éclat de ce capitaine. Le brouhaha laissait alors place à une mélopée qui accompagnait les efforts des hommes à leur poste de travail. "Le capitaine est le seul maître à bord après Dieu", était ahané en cadence par le chœur résigné de la chaloupe. La suite n'était qu'actes de bravoure pour parer aux pièges de l'océan, baroudes pour contrer les abordages de ceux qui tiennent un couteau entre les dents, résistances au désir pour ne pas succomber à la présence de riens ou, à l'absence de tout.
Le Captain Kirk aimait à se souvenir de ses images d'Épinal. Il mesurait ainsi le chemin parcouru. Il se rassérénait dans l'idée des progrès que son Humanité avait accomplis. La version moderne du Captain Kirk lui apparaissait tellement plus digne, plus mature, plus aboutie. Les débuts ressemblaient à des enfantillages, forts d'une énergie fascinante, éblouissants de beauté, mais si fragiles et si naïfs à comparer de la situation actuelle.
Le Captain Kirk se sentait aujourd'hui seul maitre à bord après personne, et surtout il pouvait l'afficher devant tout le monde. Il était passé devant Dieu, un dieu convalescent qu'on avait annoncé mort à plusieurs reprises, et qui cherchait à se refaire une santé auprès des hommes et des femmes d'équipage.
A suivre...
La suite dans quelques heures, quelques jours, quelques mois ou jamais.
A venir l'épisode 11 : Où on arrive enfin presqu'à destination.
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Biens communs by Thierry Nahon est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité 2.0 France.
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