lundi 14 octobre 2013

Culture : constantes et différenciations #3


 
Qu'y a t-il de commun entre toutes les manières de vivre organisées sur notre planète ?

La culture peut être considérée comme un principe d'organisation social. En quelque sorte, une solution collective, type organisation des ressources humaines, adoptée par un ensemble d'individus pour vivre ensemble d'une façon voulue durable, et efficace. Nous devons noter toutefois l'extrême variabilité des modes de vie déployés par les hommes sur toute la planète.

Les ethnologues (science qui a pour objet justement l'étude de ces différences) ont montré, en appliquant une méthode permettant de comparer ces cultures entre elles, que la diversité des pratiques, autrement dit, des solutions adoptées pour résoudre les problèmes posés par la nature, pouvait être réduite, et qu'en fait, quatre universels culturels coexistaient au sein de toutes les cultures (comme quatre piliers autour desquels la diversité culturelle pouvait se développer).

La division du travail est un élément culturel présent dans toutes les sociétés. Depuis la horde, la bande, très faiblement organisée, jusqu'aux sociétés industrielles complexes, les groupes partagent entre leur membres la responsabilité de mener à bien certaines tâches particulières indispensables pour la survie du groupe dans son ensemble : certains font la guerre, d'autres prient, d'autres travaillent, certains sont chasseurs pendants que d'autres façonnent leurs armes; etc..

A l'inverse, les singes et les primate en général vivent aussi en groupes sociaux, mais recherchent plutôt chacun leur propre nourriture, préparent leurs propre couche, et vivent généralement pour eux-mêmes. Par contre, dans toutes les sociétés humaines, les groupes partagent les responsabilités et recherchent une complémentarité entre leurs membres. Toutes les cultures distinguent au moins socialement, les hommes, des femmes, et les adultes, des enfants. Ces distinctions organisent la base de la division du travail. Dans toutes sociétés, il y a des tâches pour femmes adultes, d'autres pour hommes adultes, d'autres pour les enfants...

La prohibition de l'inceste, le mariage, et la famille est un autre universel. Même si ces élément peuvent apparaître dégrader aujourd'hui, au sein de sociétés modernes. Toutes les sociétés humaines ont tendance à vouloir réguler les comportements sexuels. Toutes les cultures tentent de définir des degrés d'acceptabilité en matière conjugale. De même elles tentent d'institutionnaliser le mariage par des lois ou des règles et des par rituels.

La parenté est l’ensemble des liens qui relie les personnes d’une même « famille », ainsi que les règles qui régissent ces liens et attribuent à chacun une position particulière. La parenté est généralement fondée sur des interdits (prohibition de l’inceste) et implique des règles d’alliances ou de mariage qui empêchent ou au contraire obligent les membres d’une famille à se marier avec certaines personnes, faisant partie d’un même clan, ou d’un autre clan allié. La parenté est ainsi à la base de la vie sociale, puisqu’elle suppose toujours un minimum de règles élémentaires nous liant les uns aux autres.

Les moeurs sexuels varient beaucoup d'une culture à l'autre, mais toutes les cultures partagent apparemment une valeur de base : les relations sexuelles entre les parents et leurs enfants sont prohibées (la prohibition de l'inceste existe aussi chez les primates). Dans la plupart des sociétés les contacts entre frères et soeurs sont aussi interdits (à l'exception notable des mariage des familles royales de l'Egypte ancienne et d'Hawaï, et aussi chez les Incas du Pérou.

Les rites de passages : toutes les cultures reconnaissent des stades à travers lesquelles chaque individu évolue tout au long de sa vie. certains de ces stades sont marqués par des événement physiologique, comme les premières menstruations pour les filles. D'autres sont désignés de façon plus arbitraires. Les transitions importantes de la vie sont en général marquées par des rituels appropriées. On peut citer, la naissance, le passage à l'âge adulte, le mariage et la mort comme des points nodaux de ces rites de passage.

L'idéologie : chaque culture développe une idéologie, constituée par des valeurs et des croyances communes qui cimentent le groupe. Certaines idéologies s'expriment à travers la religions, d'autres sont plus sécularisées, moins religieuses, plus laïques, plus inscrites dans la vie quotidienne. Même si ces idéologies, ces croyances et ces valeurs sont difficilement formulables de façon objective, elles sont sentie en commun par le groupe comme des évidences, et elles restent importantes quant à leurs conséquences. Elles donnent un sens à notre existence sociale, un sens à notre vie.

Il est vrai, que ces constantes peuvent paraître nécessaires et indispensables à la vie d'un groupe, d'une société quelle qu'elle soit. Il est probable qu'au sein d'une communauté les tâches soient partagées, que la sexualité soit relativement encadrée, que des rites ou des cérémonie agrémentent certains moments importants et que la cohésion du groupe soit renforcée , et le groupe plus durable, si les membres partagent à peu près les mêmes valeurs. Si ces fonctions semblent faire un consensus, c'est bien la façon dont elles sont remplies, et donc la diversité qui nous intéresse plutôt. Car la division du travail, c'est par exemple, le mari à la chasse, la femme à la maison qui s'occupe de tout, et qui n'a pas trop intérêt à la ramener. Ou bien des catégories sociales exclues de certaines tâches, spécialisés dans des travaux ingrats. Les règles de la parenté cela peut consister dans le mariage forcé, les rites de passage peuvent s'effectuer selon des modalités extrêmement violentes (la violence étant inhérente au rituel), quand aux idéologies elles ne supportent pas la contradiction. Si ces constantes universelles semblent bien en effet constitutives de tous les groupes humain, c'est plus leur symbolique que leur fonction qui nous interpelle. Dans nos centres urbains, on aime à penser qu'au moins à l'échelle de petits groupes, de la famille, on peut envisager la division ou partage des tâches d'une façon plus fluide, moins déterministe, une liberté presque totale en matière sexuelle ou familiale, préconiser le débat contradictoire, plutôt que l'acceptation de schémas pré-établis. Aborder les éléments culturels par rapport à leur fonction supposée débouche sur une forme abstraite et figée qui en fait existe partout et en même temps n'existe nul part. La forme prime sur le fond. C'est la forme que prennent ces fonctions au sein des sociétés, leur différences, mais surtout leurs contradictions, comme leurs évolutions qui donnent du sens à la notion de culture. La différenciation envisagée comme un cheminement ou un processus, des individus entre eux comme du groupe envers d'autres groupes jouent un rôle sûrement aussi important que les constantes que nous venons d'énoncer. 

Pour illustrer ce point nous pouvons rapidement survoler les cultures papoues de la Papouasie Nouvelle Guinée.

La Papouasie Nouvelle Guinée

Source : "Parle et je t'écouterais, Récits et traditions des Orokaïva de Papouasie-Nouvelle-Guinée" par André Itéanu et Eric Schwimmer, ed Gallimard

La Papouasie Nouvelle Guinée est un pays d'une superficie à peu près équivalente à celle de la France, situé à 150 km au Nord de l'Australie, et indépendant depuis 1975. Cette île, à la latitude de l'équateur est recouverte d'une végétation très dense et luxuriante, la forêt primaire. Des vallées très escarpées rendent les communication très difficiles et jusqu'aux années 70 certaines populations locales n'avaient jamais rencontrer d'occidentaux. L'île est peuplée depuis plus de trente mille ans.

Population et langues
La population de Papouasie Nouvelle Guinée regroupait environ 3 millions d'habitants dans les années 90. Un fractionnement extrême caractérise la géographie humaine de l'île. Dans ce pays, on parle plus de 700 langues différentes, et ces langues pour la plupart, ne sont pas apparentées entre elle. Il n'existe pas non plus d'homogénéité dans les manières de vivre. Les pratiques sociales varient d'une façon quasi illimitée d'une communauté à l'autre.

Quatre traits sont toutefois partagés par toutes ces sociétés :

  • Tous cultivent des jardins itinérant presque toujours travaillés par la technique du brûlis.
  • On n'élève qu'un seul animal : le cochon, qui a partout une importance fondamentale à la fois en tant que viande, et à la fois en tant qu'objet d'échange pendant les fêtes.
  • Toutes les sociétés pratiquent le don avec une intensité extrêmement forte : tout est prétexte au don qu'il soit modeste ou somptueux. Les dons sont omniprésents dans la pratique, mais aussi dans la pensée. Chacun mémorise, médite et discute des dons qu'on lui a faits, de ceux qu'il devra donner en retour, comme de ceux qui lui sont dû...
  • La guerre est considérée comme une activité nécessaire, un plaisir, ou un jeu. Accompagné de cannibalisme ou pas, rarement motivée par la conquête, elle est endémique, mais reste toujours de dimension modeste. Un mort ou quelques blessés suffit à l'arrêter.

Organisation politique
Dans ces sociétés il n'existe pas d'institutions politiques centralisées comparables aux nôtres. Pas de chefs, pas de dignitaires, pas de tribunaux, pas de catégories sociales (à part les hommes et les femmes), pas de conseil des anciens ou des sages, pas de police, pas de différences de fortune durable et reconductible.
Dans des contextes particuliers, certaines personnes peuvent occuper passagèrement des positions de prestige. Mais on ne sait pas très bien de quoi est faite leur autorité, on ne comprend pas très bien pourquoi à un moment donné ces personnes sont devenus ce qu'on appelle des "Grands Hommes". En l'absence de pouvoir centralisé, nul ne peut être contraint de reconnaître l'autorité d'autrui, mais chacun est assigné à des tâches, à des responsabilités qu'il n'a d'autre choix que de remplir.

Les langues et la compréhension réciproque
700 langues sont parlées dans ce pays. La plupart de ces langues sont parlées par les Papous et ne sont pas liées entre elles, d'après les linguistes.

Les papous selon la langue qu'ils parlent ne se comprennent pas entre eux. Lorsqu'ils se comprennent parce qu'ils parlent des langues proches (de la même famille de langue), ils ne comprennent seulement des conversations simples. En gros, chacun comprend plus ou moins la langue de ces voisins avec lesquels sont conclus des mariages ou des échanges, au delà de cette zone, la compréhension réciproque devient problématique. Chaque dialecte marque la spécificité de chaque population voisine.

Les dialectes et le phénomène de différenciation
"Ca va plus loin. Dans chaque dialecte le vocabulaire varie légèrement d'un village à l'autre. Ces différences ont une origines tout à fait remarquable dans la société orokaïva. Dans cette société, il est formellement interdit de prononcer le nom des parents par alliance : beau père, belle mère, beau-frère et belle-sœur. Etant donné que parmi les multiples noms qu'une personne porte, il y en a toujours au moins un qui désigne un objet ou une action, ce ou ces termes deviennent prohibés pour la famille qui doit se débrouiller avec d'autres mots. En plus l'interdiction peut s'élargir à des mots qui ont une ressemblance phonétique, ou à des synonymes... Comme il est courant que les habitant d'un même village soient tous liés entre eux par la filiation et par le mariage, il est fréquent que certains mots soient prohibés pour tous les habitants. Cette interdiction touche donc à chaque fois un nombre important de mots qui sont remplacés par des termes nouveaux. Les mots sont donc constamment réinventés, et les anciens progressivement oubliés. Le phénomène opère d'une manière étonnamment rapide." Itéanu p58


Cette culture présente donc des différence très importante avec celle que nous pensons partager notamment en France. Nous, nous ne tenons à parler qu'une seule et même langue sur l'ensemble de notre territoire. Nous engageons collectivement des moyens importants pour rendre cela possible car cela nous semble à l'évidence plus pratique et plus rationnel. Nous avons hérité de la société d'ancien régime, d'un pouvoir centralisé qui seul semble en mesure de pérenniser le développement de notre pays et de sa culture. Tous ces traits nous apparaissent comme des évidences. Nous avons beaucoup de difficultés à comprendre comment des traits diamétralement opposés aux nôtres ont permis à d'autres populations d'autres cultures de perdurer plusieurs milliers d'années, en parallèle avec le développement de notre "civilisation". Nous nous sentons obligés d'émettre des jugements de valeur : ça doit être compliqué, pas étonnant qu'ils ne se soient développés comme nous, et d'émettre des conseils, pour simplifier et rapprocher ces populations de nos modèles (a priori pour leur bien).

Pourtant ce qui nous apparaît dans un premier temps comme quelque chose d'exotique, nous rappelle aussi qu'en Europe, société et culture à laquelle nous appartenons aussi, au temps de la globalisation, de la mondialisation, la question de la langue ou des langues régionales, et des particularismes locaux se pose dans notre actualité comme un enjeu important. Par exemple en Espagne avec la Catalogne, au Pays Basque, la langue Corse ou le Breton en France. Les médias posent aussi souvent la question de savoir si par exemple le Français parlé dans certains quartiers reste encore du Français. On se demande aussi s'il est possible de vivre dans une région, un pays, dans une culture donnée sans en parler la langue.

Les mêmes remarques peuvent être faites à propos de l'organisation sociale et politique. Nous Français semblons attachés à une forme de pouvoir central (l'état). Pourtant nous participons à l'élaboration d'un projet européen qui consiste à réduire ce pouvoir, à construire une société plus large (un marché) comprenant une multitude de particularismes locaux qui s'affirment comme tels, une grande communauté où nul ne pourrait être contraint par autrui sans le préalable de longues négociations... La société libérale qui résulte de ces accords est multiculturelle, multi-linguistique, fragmentée en groupes sociaux qui définissent chacun leur mode de vie, leurs valeurs, leurs raison de vivre, en complémentarité comme en opposition, ou dans l'ignorance les uns des autres. La notion même d'Etat semble être devenu ringarde, inutile, inadaptée aux conditions de vie contemporaine. Peut-être alors que notre adaptation à l'ultra modernité, ou post-modernité passe par des notions, des modèles culturels que les sociétés papoues avaient développés à une échelle plus réduite.

Dans les années 70, la société Papoue avait beaucoup intéressé les intellectuels occidentaux justement par rapport à cette absence d'état. En effet pour des penseurs marxistes, ou pour les anarchistes on observait concrètement à travers ces sociétés traditionnelles, un modèle originel de l'organisation sociale, avant qu'elle ne soit corrompu par la domination d'une classe dominante sur les autres. L'idéal anarchiste ou communiste d'une société sans état pouvait s'appuyer sur une orientation originelle de l'humanité, déviée par la civilisation et le capitalisme. Mais en se référant à la société papoue, une société sans état, n'est pas une société sans loi ou sans règle ou sans interdit. (une sorte de société spontanée type enfance de l'humanité). Au contraire, la loi, les interdits, les règles à suivre sont propre à chaque groupe, servent à les identifier, à leur affirmation, à leur différenciation et sont suivis drastiquement. Par des épreuves et par exemple par des tatouages elles s'inscrivent sur les corps, elles marquent les individus dans leur chair.

D'ailleurs toutes les sociétés traditionnelles ne sont pas dépourvues d'état. Elles sont du point de vue de leur organisation sociale et culturelle aussi différentes les unes des autres, qu'elle nous apparaissent à nous exotiques. D'autre part, si il est évident que la structure sociale d'un petit groupe de personnes vivant dans la forêt est plus simple, que l'ensemble constitué par des milliards d'individus connectés entre eux par un réseau mondial, il est peu évident de tirer une conclusion similaire en matière culturelle.

Le mode de vie des "sociétés traditionnelles", quelle que soit la façon dont il nous apparaît, n'est pas fondé sur une association spontanée, primaire, ou primitive. Il n'est pas précaire non plus, car il se reproduit de génération en génération. Il est au contraire fondé sur des lois, des règles, des savoir-faire, des savoir-vivre, des savoirs, des connaissances parfois extrêmement sophistiqués, en tout cas au moins aussi complexes que les nôtres. Les différences culturelles ne déterminent ni hiérarchie dans l'évolution des cultures, ni une sorte de paradis perdu dont la civilisation se serait éloignée. Claude Lévi Strauss parle à ce sujet de relativisme culturel.

Si un indien d'Amérique auquel on aurait fourni une tronçonneuse ne coupera qu'un seul arbre avant de profiter du temps gagner pour dormir ou se reposer, ce n'est pas parce que l'indien est naturellement paresseux. Dans son environnement, le repos permet une plus grande efficacité, les rêves qui sont vécu comme la réalité véhiculent les conseils des esprits auxquels il croit. Il adopte donc l'attitude la mieux adaptée à son mode de vie. L'homme blanc par contre coupera avec sa tronçonneuse autant d'arbres qu'il est possible de couper dans un laps de temps donné parce qu'ils représentent autant d'argents, et que dans la civilisation des blancs, on vit mieux lorsqu'on est riche que lorsqu'on est pauvre. C'est aussi une façon de s'adapter à un contexte particulier.

Nous débouchons donc à nouveau sur une liaison entre la notion de culture et celle d'adaptation à un milieu tant naturel que social. Les nombreuses différences observées (manières différentes de s'adapter) peuvent s'interpréter en regard de la capacité imaginative, inventive, ou créative propre à chaque groupe humain. Nous avons vu que le côté pragmatique ne suffit pas pour comprendre les différences. Certes chacun répond à un problème avec sa créativité propre, mais nous avons noté aussi l'importance donnée à nécessité de la distinction : se distinguer des autres groupes, marquer son identité, sa différence, son appartenance et sa fierté d'appartenir.

vendredi 11 octobre 2013

On se comporte comme des bactéries



Albert-László Barabási est un physicien, spécialiste des réseaux à Northeastern University et à Harvard Medical School. Il est l'auteur de “Bursts: The Hidden Patterns Behind Everything We Do.” Qu'on peut traduire par : "Eclats : les patrons (modèles) cachés derrière tout ce que nous faisons". Dans un article récent paru dans Politico, il explique clairement que le projet de son équipe de recherche serait de faire émerger les lois mathématiques qui régissent la société au sens large :
For researchers involved in basic science, like myself, Big Data is the Holy Grail: It promises to unearth the mathematical laws that govern society at large.
Et que son équipe serait en train d'y parvenir en étudiant de façon anonyme les données de plusieurs millions d'utilisateurs de téléphones portables. Il confirme donc que les big data peuvent servir à quantifier la probabilité du comportement quotidien de tout un chacun.
Motivated by this challenge, my lab has spent much of the past decade studying the activity patterns of millions of mobile phone consumers, relying on call patterns provided by mobile phone companies. In a series of research papers published in the journals Science and Nature, my team confirmed the promise of Big Data by quantifying the predictability of our daily patterns...
Finalement, nous ne serions que des bactéries avec des comportements un peu plus complexes. Nous serions nous aussi gouvernés par les mathématiques, par les statistiques (donc à la limite pas besoin de gouvernement ni de société). Cet éminent chercheur se rend toutefois compte que cette avancée dans la prédictibilité des comportements pose des problèmes éthiques.  Prévoir les comportement c'est bien, mais ça dépend pour quoi en faire ! Et donc, il envisage dans cet article d'adapter le traité de non prolifération des armes nucléaires à la gestion des big data : nous savons que nous fonctionnons comme des bactéries, mais si nous tirons toutes les conséquences techniques, sociétales et scientifiques de ce savoir, nous allons tous à coup sûr nous transformer en bactéries. Pour pallier à cette menace, il propose donc un partage des connaissances sur les utilisations qui peuvent être faites des big data, un mécanisme éthique permettant d'équilibrer la terreur. Si j'acquière trop de puissance vis à vis du comportement des bactéries, elles vont la retourner contre moi parce qu'on partage les mêmes connaissance, et donc logiquement je me tourne vers des politiques plus mesurées et équilibrées.

En apparence, c'est bien, mais dans ce cas là, finalement le partage des connaissances n'est lié qu'à la terreur qu'inspire ces connaissances. L'équilibre est fondé sur la terreur que nous inspire la puissance des mathématiques et des algorithmes. Les bombes atomiques, on les confie à des experts de l'Etat parce qu'on a une certaine idée de nous (le peuple de l'Etat) face aux autres. Faire peur aux autres qui eux mêmes nous font peur ne constitue pas en soi un équilibre mathématique. Dans le cas des big data et des connaissances partagés il n'est pas seulement question de nous face aux autres, mais surtout de nous face à nous-même. "Nous ne sommes que des bactéries pour les autres, qui d'ailleurs le sont pour nous", mais on va faire comme si tout cela, on ne le savait pas, tellement l'idée nous fait peur et d'ailleurs bien plus que l'ignorance. Mais comme on le sait, on va surveiller les autres qui nous surveillent : Une façon de dire que le savoir est nécessaire mais totalement invivable, sans une bonne dose de croyance dans des illusions scientifiques.

En effet quelle science fondamentale pouvons nous tirer du fait que la technologie, les modèles numériques auxquels nous devons nous plier dans la vie de tous les jours et au travail, les téléphones portables, internet, génèrent de plus en plus des gens dont la diversité des comportements est aussi prévisible que ceux de simples bactéries. L'idée contraire serait surprenante. On en tire tout de même l'impression très rassurante que si les autres nous font peurs, si nous avons l'impression que tout fout le camp, si nous sommes inquiets pour l'avenir de nos enfants, il existe au moins un truc qui nous fascine, nous dépasse et parfois nous terrorise, et qui marche dans tous les domaines, comme Dieu le fît naguère : les maths et la technologie. Leur fonction est autant de fonctionner que de démontrer par eux-même et sans trop de références aux gents, la puissance potentiellement destructrice de leur fonctionnement, notamment à ceux qui ne serait pas totalement convaincu.



jeudi 10 octobre 2013

Les origines de la culture #2


Les origines de la culture humaine : culture et paléontologie

La culture serait le résultat du processus d'évolution des espèces vivantes. Elle serait une spécialisation dont la nature aurait dotée l'espèce humaine.
En première approximation, bien que non-organique, pas physique, elle fonctionnerait comme une sorte d'organe partagé, indispensable à la vie comme à la survie de l'espèce...

Petite histoire de la culture :

Premiers hominidés
Les premiers signes d'une culture humaine ont été retrouvés en Afrique ; en Tanzanie, au Kenya, en Éthiopie. On y a retrouvé des pierres taillées, des silex, datant de 1,5 à 2,9 millions d'années. Ces outils très simples ont été fabriqués en frappant des pierres les unes contre les autres, afin d'en récupérer les éclats et d'en faire des lames pour chasser des proies.

Ceux qui façonnaient ces outils, se tenaient debout et marchait sur leur jambes comme nous le faisons. Ils mesuraient entre 1m20 à 1m60, et pesaient entre 50 et 80 kg. Ces lointains ancêtres subsistaient grâce à un régime varié de plantes et de petits gibiers. Toutefois il semblerait qu'ils étaient aussi capables de chasser des proies plus grosses. Afin de se protéger contre des animaux prédateurs comme pour chasser, ils avaient dû aussi probablement développer des formes de communication et une organisation sociale.

Homo Erectus
Un ancêtre plus proche est l'Homo Erectus. Il est apparu il y a entre 1 et 1,5 millions d'années. Il ressemble à l'homme moderne dans tous ces aspects à l'exception de sa tête, qui est encore primitive. Le cerveau atteint environ 1000 cm3, environ 2/3 du cerveau de l'homme moderne.

Ces hommes vivaient en bandes qui se sont déplacées depuis les tropiques et les zone subtropicales vers les plaines d'Afrique, d'Europe et d'Asie. On les a retrouvé très au nord, dans le nord de l'Allemagne ou de la Chine. On sait qu'il s'abritaient dans des grottes, et parfois sous des huttes en peau de bête dans des lieux abrités du vent. Ils bravaient des hivers rigoureux pour chasser et poursuivre du gros gibier, des mammouths, chevaux, rhinocéros, cerfs, et bovidés. 

Ces hommes étaient des nomades. Leurs bandes étaient bien organisées. Ils disposaient d'outils et d'armes relativement bien adaptés aux territoires qu'ils arpentaient.

L'Homme de Néandertal, un homo erectus qui vivait en Europe, pratiquait déjà une chirurgie rudimentaire, prenaient soin des plus âgés et des invalides, et  enterraient ses morts au cour de rituels, en les recouvrant avec de la poudre rouge, en plaçant des offrandes de nourriture près d'eux, et parfois en les recouvrant de pétales de fleurs. A l'évidence, l'homme de Néandertal était intelligent, avait développé des sentiments forts au sein du groupe, et avait des idées à propos de la mort et possiblement de ce qui se passait après la mort.

L'homme moderne
Il y a 35000 à 40000 ans les techniques de fabrications des outils en pierre ont atteint leur plus haut stade de développement. Les équipements sont caractérisés par de nombreuses formes de choppers (haches), racloirs, ciseaux, points, et lames. Dans le sud de l'Europe, il y a environ 25000 ans, des arts de plus en plus sophistiqués se développent : gravures, murs peints, dessins abstraits, et aussi des sculptures en trois dimensions d'animaux et d'humains. Les hommes modernes sont des chasseurs-cueilleurs, nomades, qui se déplacent par petits groupes, se nourrissents de gibiers ou de plantes qu'ils rencontrent sur leur route. Ils ont considérablement amélioré les techniques de fabrication de leurs outils. Ces bandes douées et créatives de chasseurs cueilleurs ont traversé les dernières frontières vers l'Australie et l'Amérique.

Naissance des civilisations
Il y a 10000 ans a commencé la révolution agricole. C'est sur cette base que les civilisations se sont construites en développant des sociétés de plus en plus complexes.

De l'évolution naturelle à l'évolution culturelle

Ce rapide tableau montre qu'il y a plusieurs millions d'années la nature aurait doté certains primates, des hominidés, d'une compétence nouvelle, qui peut s'apparenter à la culture. Cette compétence originale dans le règne animal a pu favoriser la survie et la perpétuation de ces espèces, car elle commencent à s'aider d'outils pour se nourrir, peut-être pour se vêtir, pour s'abriter de la chaleur ou du froid. Il est aussi important de remarquer que cette nouvelle compétence serait liée à la libération de la main (bipédie) et à l'augmentation du volume du cerveau en lien avec le développement du langage. Cette évolution a donc aussi permis de développer l'imagination de ces espèces, ainsi que la capacité de communication et d'organisation sociale et politique des groupes : des premières sociétés humaines.

Ces ancêtre dont nous parlons n'évoluent pas jusqu'à l'homme moderne en suivant un schéma linéaire. Ces espèces d'hommes qui semblaient unir des individus par un lien culturel ont disparu. C'est le cas par exemple de l'homme de Néandertal. Cette extinction peut-être le résultat de la sélection naturelle. Seules les espèces humaines les mieux adaptées à leur milieu vont se reproduire et perdurer. Leur milieu a pu aussi être colonisé par d'autres espèces humaines, en concurrence avec eux pour leur survie...

L'homme moderne est apparu en Afrique avant d'essaimer partout dans le monde. La réussite de cette espèce particulière d'hommes signifie que cette dernière avait une capacité d'adaptation supérieure à celles d'autres espèces. Cette capacité s'envisage au regard du volume du cerveau, siège du langage, de l'imaginaire, des apprentissages et de la culture. Cela ne signifie pas que l'homme moderne détenait d'emblée des connaissances supérieures à celle des autres espèces. La culture semble suivre un processus d'acquisition, de capitalisation et de transmission. Il est vraisemblable qu'un ou plusieurs groupes d'homme modernes, bien qu'ayant des capacité intellectuelles supérieures aux autres, aient appris, aient emprunté des savoir-faire et des connaissances d'autres espèces humaines. Ce que ces dernières, avaient pu élaborer progressivement durant plusieurs centaines de milliers d'années.

André Leroy Gourhan avait montré en étudiant la production d'outils et les volumes des crânes humains, que plus les outils se perfectionnent lentement, plus le volume des crânes augmentait ; plus les outils se perfectionnent vite moins le volume des cranes augmente. A partir de moins 100 000 ans le volume des cranes n'augmente plus significativement alors que les outils se multiplient et se perfectionnent de plus en plus rapidement. Donc pour André Leroy Gourhan, avec l’avènement de l'homme moderne le rôle de la culture aurait pris le pas sur le rôle de l'évolution naturelle et biologique dans l'adaptation et le développement de l'espèce. L'adaptation à un milieu par la médiation de la culture aurait d'ailleurs pour caractéristique d'aller plus vite que l'évolution naturelle, les modification nécessitant plusieurs générations pour s'établir.

La culture comme un mécanisme d'adaptation

Les êtres humains, en colonisant tous les espaces de la terre, ont montré des capacité d'adaptation très importantes sans qu'intervienne l'évolution de leur biologie. Contrairement aux autres animaux, les être humains sont remarquablement peu spécialisés. Ils ne courent pas vite pour fuir ou pour chasser, ne grimpent pas très bien aux arbres, ne nagent pas bien. La seule spécialisation notable de l'espèce humaine réside dans cette capacité de fonctionner en groupe grâce à sa culture. La culture serait alors une sorte d'organe supplémentaire et partagé, invisible, immatériel mais totalement essentiel. Car nous sommes produits par la culture, nous sommes aussi les transmetteurs de la culture et conscients de cette nécessité, et nous sommes tous totalement dépendants de la culture.

Cette unique spécialisation qui n'est évidemment pas un organe, s'enracine dans la taille et la structure du cerveau ainsi que dans notre capacité physique de parler et d'utiliser des outils. En contre partie cette spécialisation nécessite un apprentissage, une transmission. On apprend de la génération qui nous précède à devenir humain et membre d'un groupe. Sans cette transmission le groupe disparaît. L'humanité de ces membres aussi. La culture est donc avant nous et restera après nous, comme un organe invisible qu'on partage avec d'autres, qui sont vivants, morts, ou à venir. Cet organe ressemble autant à une source de vie dans laquelle on baignerait, qu'à une ressource extérieur à nous.  Elle est indispensable à la vie, à la survie et à la perdurance de tout groupe humain. On peut toujours situer la ressource dans le passé, dans la capitalisation des savoirs et savoir-faire des générations précédentes, mais elle s'inscrit aussi et surtout, au présent dans l'échange, pour communiquer, coopérer, s'organiser, vivre ensemble, d'ailleurs en actualisant les modèles du passé qu'on a reçus aux nouvelles conditions du moment. Cette ressource on peut aussi la situer dans l'avenir, le futur, ou dans l'imaginaire qui l'anticipe, dans la poursuite d'un objectif commun, d'un idéal, ou d'une espérance collective, d'un sentiment partagé, d'un sens à la vie, à la vie du groupe autant qu'à celle de l'individu.

Mais parler des hommes préhistoriques et de leur culture est très pratique car il ne sont pas là pour nous contredire. Nous cherchons à déchiffrer et à comprendre les traces que leur culture a laissées, sur les parois des grottes, dans les sépultures, dans des pierres taillées. Mais nous savons très peu de choses finalement. Nous avons sûrement tendance à nous les imaginer « un peu tous pareils », avec les mêmes préoccupations, les mêmes solutions au mêmes problèmes de survie, les mêmes pensées, les mêmes idées du sacré... Mais qu'en savons nous ? Peut-être que déjà eux même se voyaient comme des êtres très différents d'un groupe à l'autre, peut-être avaient-ils des mœurs, des coutumes très diversifiés, et ce dès le départ. Il est difficile de parler et différencier dans les détails, des cultures humaines sur une période d'un million d'année et sur la base de simples traces qui ont traversé le temps.

mercredi 9 octobre 2013

Qu'est-ce que la culture ? #1


Qu'est ce que la culture ?

Le terme culture regroupe beaucoup trop de sens différents pour être réduit à une simple définition. Les sciences humaines ou les sciences sociales n’y sont pas parvenues d’une façon complète et satisfaisante. Le cheminement nécessaire, sans épuiser la question de la culture, finalement, en a révélé toute la complexité. La ou les cultures humaines sont présentées autant comme une ressource, permettant de dépasser les contingences naturelles, de résoudre des problèmes, que, comme le moyen de découvrir les fondations et les mécanismes profonds de l'humanité, que, comme une «limitation», limitation d'un potentiel global sans cesse fragilisé par des particularismes, par des divisions, par le décalage qu'il existe toujours entre l'idée qu'on se fait de la culture (même s'il s'agit d'une idée scientifique) et la réalité beaucoup plus floue, versatile, approximative, fondamentalement instable.

Où sont les origines de la culture ?
Elles remontent à la pré-histoire et ont été envisagées par les paléoanthropologues comme une ressource d'adaptation au milieu naturel, ressource qui se serait progressivement substituée aux lois de l'évolution naturelle.

La culture des autres est-elle si différente ?
L'adaptation aux différents milieux naturels a conduit à l'émergence d'une diversité culturelle très importante. Les sociétés de Papouasie Nouvelle Guinée sont un exemple de cette très large différenciation. Les différences sont telles qu’elles ne trouvent pas d’explication simple, ni d’interprétation évidente.

Existe-t-il une base culturelle commune ?
L’ethnologie en comparant les différentes cultures a défini des invariants : une base culturelle commune à l’ensemble de l’Humanité. En même temps, notre culture contemporaine ne cesse de chercher à s’affranchir de ces constantes caractéristiques des sociétés traditionnelles.

Le mot culture existe-t-il depuis toujours ?
C’est un mot dont l’usage se généralise dans le courant de 18ème siècle avec la philosophie des Lumières. Il est alors utilisé comme un synonyme de civilisation. Il exprime de fait, une hiérarchie entre les cultures et un cheminement de l’Humanité dans la direction «d’une culture universelle» fondée sur la «Raison».

Pourquoi on confond culture avec civilisation ?
Cette «culture Universelle» dont est issue une partie de notre culture partagée, détermine des comportements raisonnables, comme des façons de penser qui nous apparaissent évidentes, rationnelles, nécessaires et utiles. Elles ne sont en fait, que l'aboutissement d'une dynamique symbolique qui a façonné un espace particulier de la société avant de se généraliser. Nos évidences partagées corroborent en fait le résultat d'associations d'idées autour de la notion de culture/civilisation. Cette culture est une élaboration sociale, artificielle et pas seulement une adaptation logique ou rationnelle à l’environnement naturel ou sociétal.

Pourquoi la culture pose autant de difficultés aux sciences ?
En fondant la culture sur la raison, on induit forcément l’idée d’une progression culturelle, d’une évolution des cultures et donc des peuples. L’anthropologie s’est inspirée dans un premier temps des travaux de Darwin (l’évolution du vivant du plus simples au  plus complexe) pour classer et comprendre le foisonnement des cultures humaines. Si le progrès technologique est avéré, si la complexification des sociétés est aussi une réalité, il est difficile d’envisager la culture selon la perspective du progrès. L’adaptation culturelle à la société contemporaine actualise et élabore une profusion de modèles inspirés de celui de la «civilisation", de celui des «cultures traditionnelles", ou bien d’innovations symboliques et artificielles, qui s’entremêlent d’une façon créative, mais sans logique globale évidente.

La culture : un déséquilibre perpétuel entre Unité et Diversité ?
Les approches contemporaines de la notion de culture sont beaucoup plus historiques que scientifiques. Elles racontent l’histoire des migrations, des rencontres entre les cultures, des dialogues, des métissages, des résistances... De fait, elles invoquent les modes d’adaptation à des sociétés pluri ou multiculturelles. Ces approches peuvent nous apparaître plus justes, plus neutres, mais elles sont surtout plus actuelles. Dans chaque pays, on définit le multiculturalisme de façon très différente. La politique s’insère toujours dans la définition de la culture qui constitue un enjeu de société important. Il n'y a pas de vérité ultime en la  matière, tous nos échanges, toutes nos réflexions, toutes nos conceptions reflètent la culture d'aujourd'hui (et la fabrique d’une certaine façon), dans ses contradictions, ses confusions ou ses paradoxes.
Cette absence de définition certaine marque une caractéristique fondamentale des cultures humaines. Leur dynamique semble définie par un projet d’unification (de clarification) sans cesse contrarié par un désir (ou par une fatalité) de différenciation.

La culture est une ressource dans le sens où elle propose et impose aux collectifs comme aux individus des modèles d’adaptation s’apparentant souvent à des solutions pour résoudre un problème. Cette ressource peut nous apparaître comme rationnelle et utilitaire. La culture ressemble aussi à un flux, à une source, qui met à disposition d’une façon arbitraire, des symboles, et qui permet aux groupes (simples ou complexes) de se « représenter comme tels », de se différencier de la nature, du règne animal, comme des autres, ou des autres cultures, de ressentir en commun, de partager des émotions, des rêves, ou une certaine folie. Il s'agit là du domaine du sensible, de l'imaginaire et de l’illusion.

La conjugaison entre cette source de symboles avec l’usage qu’on veut logique, raisonnable et évidente de la ressource culturelle, servent autant à définir nos certitudes nécessaires sur la meilleure façon de survivre et de se perpétuer, que notre incertitude fondamentale à propos des objectifs communs que nous poursuivrions ensembles. Cette dynamique limite la progression vers l'unité, permet le renouvellement et la diversité, dans un processus de construction déconstruction qui semble essentiel à l'adaptation des sociétés humaines, qu’elles soient simples ou plus complexes.

vendredi 4 octobre 2013

L'Homme diminué, augmenté

Parmi les innovations qui doivent illuminer notre avenir et nous rendre tous immortels figure en bonne position, celle qui consiste à réduire la taille et le volume des êtres humains ou plus exactement celle des smart-bodies ou smart-human qu'on sera alors déjà devenu. Il faut savoir anticiper les nouveaux défis qui se posent à l'Humanité, et l'immortalité ça risque de prendre pas mal de place sur la planète, alors... Selon la loi de Moore à laquelle obéit la miniaturisation, et qui réduit tous les ans les grandeurs de moitié, lorsque le processus sera enclenché, quelques années suffiront pour que nous nous reproduisions sans limite comme des rats de laboratoires, ou comme de la poussière chez les gens maniaques. 

Nous avons appris de la science que pour atteindre un objectif précis ambitieux, il est indispensable d'avancer par une succession d'étapes, modestes dans un premier temps et qui, en affinant la connaissance, en accumulant patiemment des données et des résultats permettent des avancées significatives. 

Ce long cheminement qui mène à la miniaturisations des êtres humains pourrait rapidement se matérialiser par toute sorte d'expérimentation sur la diminution, par exemple, de l'Ego. Le challenge n'est pas tant technologique que sociétal, car, qu'est-ce qu'on risque de s'emmerder, sans nos prophètes en tout genre, nos auteurs de science fiction, nos créateurs d'entourloupes, d'images, de tours de passe passe, de copies originales, d'histoires à dormir debout ou de savoirs éclairés sur l'ignorance. Grâce à une méthodologie d'innovation adaptée le défi sera toutefois facilement relevé.

En effet pour éviter que toute restriction sur l'Ego ne fige la société dans une béatitude ordinaire et généralisée, il suffit de mettre au point des lunettes qui permettent de zoomer l'Ego et de le voir plus gros : de faire en sorte de rétablir la réalité d'avant la réduction. Chacun pourrait fabriquer ce type de lunettes à sa convenance dans un fab-lab par exemple, et les distribuer à sa guise, à ses amis, ses cercles, ses collègues, ses admirateurs, ou trices, ses fans ou au monde entier. Un business juteux en cours d'éclosion avec une perspective de croissance à trois chiffres au moins, et qui pourra avantageusement financer le long et tortueux cheminement de la science et de l'innovation.

Alors en fin de compte, nous ne serons tous que des gouttes d'eau parmi d'autres gouttes d'eau ! Mais grâce à ces lunettes, à cette paire de glasses, nous accéderons au peer to peer de la grande classe. Vous verrez que moi, la simple goutte d'eau identique à vous, eh bien, moi, vous constaterez que, moi je suis celle qui retient toutes les autres, les gouttes qui tremblent, les gouttes effrayées par le risque d'évaporation, toutes les terrorisées par l'éclaboussure. Vous me verrez grandir, m'étendre comme un océan, coloniser tous les creux du monde et rogner les terre inhospitalières. Vous m'apprécierez comme la mémoire vive du monde et même comme son code source, son principe de base. 

Alors le génie prendra moins de place puisque distribué à dose homéopathique. Il Tera-cuplera la vigueur de nos esprits. Et la marche du progrès sera booster jusqu'à la vitesse de la lumière. Et nous, innombrables éléments fondamentaux minuscules de la matière, nous aurons l'éternité pour coloniser la nuit froide de l'univers, l'éternité pour se lier ensemble, pour se combiner, se transformer, pour créer des ombres et des lumières. Nous pourrons prendre le temps nécessaire à l'élaboration d'un décor sans égal, avant de découvrir dans la densité vitale de nos relations intimes, la sélection et l'évolution, la méthodologie adéquate pour fabriquer des yeux dignes de regarder notre grandiose spectacle.